Un des débats
les plus difficiles du prochain congrès de Québec solidaire sera sans doute
celui portant sur la transition vers l’indépendance. Les propositions initiales
pour ce débat ont été tirées directement du programme d’Option nationale et
leur traitement à la mi-novembre constitue une étape importante dans le
processus de fusion. De nombreux amendements ont été envoyés par des
associations et d’autres instances, ce qui indique à la fois que le sujet a été
largement débattu (ce qui est excellent) et que son traitement sur le plancher
du congrès sera difficile.
La
critique nécessaire de l’ordre canadien
Ce qui rend
ce débat particulièrement ardu est qu’il est l’occasion d’une confrontation
entre deux visions également démocratiques et légitimes. La première vision,
inspirée notamment par ON, consiste à rejeter la légalité constitutionnelle
canadienne pour son manque flagrant de démocratie. La constitution de 1867
avait été adoptée par le parlement de Londres et celle de 1982 a été concoctée
par dix premiers ministres (sans celui du Québec) et ratifiée par les
parlements (des autres provinces et fédéral), mais pas directement par le
peuple.
La seule
occasion qui a été offerte à la population de se prononcer directement sur un
texte constitutionnel canadien a été le référendum sur l’accord de
Charlottetown du 26 octobre 1992. Cette version de la constitution a été
rejetée à l’échelle canadienne à 54,3%, avec un vote négatif dans la moitié des
provinces, dont le Québec (56,7%). En ce qui concerne la ratification au niveau
des parlements, l’Assemblée nationale du Québec n’a toujours pas accepté la
constitution de 1982, malgré le fait que la majorité de ses députés ont été
fédéralistes plus souvent qu’autrement depuis le rapatriement.
Sur cette
base, il est tout à fait légitime d’affirmer que l’Assemblée nationale devrait
pouvoir ignorer la constitution canadienne lorsqu’elle le juge nécessaire. Une
idée qui a d’ailleurs été ajoutée au programme de QS suite à l’entente de
fusion avec ON. Le point de départ d’une démarche d’autodétermination pour le Québec
doit être l’affirmation de l’autorité supérieure du peuple du Québec et des
institutions qu’il contrôle sur la constitution de 1982 et les structures de
pouvoir qui en découlent.
L’affirmation
de la souveraineté populaire
De l’autre
côté du débat se trouve l’affirmation du principe également démocratique de la
souveraineté populaire en ce qui concerne la décision de faire du Québec un
État indépendant ou non. Si l’Assemblée nationale ou le gouvernement du Québec
peuvent faire un pied de nez à l’État fédéral à l’occasion, ces structures de
représentation n’ont pas la légitimité nécessaire pour proclamer l’indépendance.
Le programme de QS prévoit que cette décision revient à la population dans son
ensemble à l’occasion d’un référendum. C’est pourquoi plusieurs des amendements
présentés par les associations font de la victoire référendaire la condition
préalable à une série de gestes de rupture avec les institutions fédérales.
Par contre, s’en
tenir strictement à ce principe pourrait conduire à une sorte de passivité de
la part d’un gouvernement solidaire et de l’AN dans la période cruciale allant
de l’élection d’une majorité indépendantiste au référendum, en passant par l’assemblée
constituante. Le cas tragique de la Catalogne nous montre bien qu’il n’y a rien
de magique dans un référendum gagnant en ce qui concerne la réalisation
concrète de l’indépendance.
Protéger
la souveraineté du peuple
Afin de
concilier ces deux exigences également légitimes, il nous faut en faire la
synthèse et proposer un critère qui guiderait les décisions d’un éventuel
gouvernement et de l’Assemblée nationale dans la période préréférendaire. Ce
critère pourrait être formulé ainsi : L’Assemblée
nationale et le gouvernement du Québec devraient prendre toutes les mesures préventives
nécessaires afin d’assurer que la décision prise par le peuple lors du
référendum sera respectée, peu importe le résultat. La convocation de l’assemblée
constituante constitue en elle-même un défi lancé aux institutions canadiennes.
L’affirmation du caractère décisionnel et pas seulement consultatif du
référendum, de même que du principe de la majorité simple à 50%+1 des suffrages
exprimés vont aussi à l’encontre des lois du Canada (Loi sur la Clarté).
Préparer le
terrain pour une transition aussi harmonieuse que possible du statut de
province à celle de pays va sans doute nécessiter toute une série de décisions
législatives ou exécutives dont plusieurs ne sont pas même évoquées dans le
cahier des propositions. Est-ce que certaines des actions énoncées dans les propositions
initiales du programme d’ON pourraient attendre après le référendum ?
Peut-être. Est-ce qu’on peut toutes les reporter après cette étape ?
Probablement pas.
Aussi, un
gouvernement indépendantistes québécois responsable devrait se préparer à une
éventuelle défaite et créer les conditions permettant de minimiser la
contre-attaque probable de l’État canadien. La défaite de 1980 avait conduit au
rapatriement, celle de 1995 à la Loi sur la Clarté. Une autre défaite
conduirait probablement à un backlash significatif. Prendre des mesures
affirmant l’autonomie de l’État québécois avant le référendum devrait aussi
être compris comme une nécessité afin de protéger les acquis et de mettre le
Québec dans une meilleure posture pour résister aux conséquences d’un troisième
échec.
Bref, entre
les deux extrêmes que constitueraient une démarche d’élection référendaire et
la réalisation de l’indépendance avant le référendum d’une part, et l’attente
passive du résultat référendaire dans un pure étapisme de l’autre, Québec
solidaire devrait se doter d’une approche nuancée, flexible et réaliste dont l’étoile
polaire serait le principe de la souveraineté populaire.
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