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La souveraine indifférence


L’entente de fusion entre QS et ON ajouterait au programme du parti la phrase suivante : «… un gouvernement de Québec solidaire appliquera les mesures prévues à son programme, qu’elles soient compatibles ou non avec le cadre constitutionnel canadien. » Cette idée s’ajoute au paragraphe qui constate déjà que le fédéralisme canadien est irréformable et que le programme de QS serait impossible à mettre en œuvre sans l’ensemble des pouvoirs d’un État indépendant.

Il s’agit, selon nous, de l’élément le plus important de toute l’entente. Il clarifie le profil politique et la stratégie d’ensemble du parti. Nous y affirmons clairement notre engagement envers la souveraineté du peuple, un peuple qui n’a jamais consenti à la constitution de 1982. Affirmer la souveraineté populaire tout en s’engageant à respecter à la lettre cette loi suprême illégitime imposée par dix hommes (les premiers ministres du Canada et des 9 autres provinces) serait une démarche contradictoire.

À ceux et celles qui s’objecterait du caractère illégal ou unilatéral de cette orientation, nous répondons que la « souveraine indifférence » du peuple du Québec et de son gouvernement face à la constitution canadienne constitue en fait la seule réponse adéquate à 25 ans d’indifférence du fédéral et du reste du Canada devant l’exclusion du Québec du cadre constitutionnel. Quand on évoque le fait que le peuple québécois n’a toujours pas consenti à cette constitution, ni directement par un scrutin ou indirectement par un vote de son assemblée nationale, on se retrouve devant un refus catégorique de reprendre les discussions de la part d’Ottawa et des autres provinces. Le message est clair : le statu quo ou la rupture. Il n’y a plus d’espace politique pour l’autonomisme.

Le fait que le PQ se soit toujours engagé à respecter cette constitution, même quand il se réclamait d’une « gouvernance souverainiste » démontre clairement qu’il s’agit d’un parti conservateur au sens le plus strict du terme. Depuis le début, avec le mythe de la négociation d’égal à égal d’une « nouvelle entente », ce parti est engagé dans l’entreprise absurde consistant à vouloir mettre un nouveau pays au monde sans que ça change quoi que ce soit, et ce, tout en rassurant les élites canadiennes et internationales.

Affirmer le droit du Québec à ignorer cette constitution tant et aussi longtemps que le reste du Canada ignorera nos revendications les plus élémentaires devrait aussi être l’attitude des autonomistes conséquents. Ce serait une manière de créer un rapport de force ou à tout le moins de générer un certain degré d’inconfort de l’autre côté de la rivière des Outaouais. Parions que la CAQ n’envisagera pas une telle tactique, pas plus que le PLQ ou le PQ.

Une question de démocratie

Est-ce que cette phrase signifie que nous considérerons notre seule élection comme un mandat de réaliser l’indépendance ? Non. Elle ne dit pas qu’on s’engage à mettre en œuvre tout notre programme dans les deux ou trois ans qui sépareront l’élection du référendum. Ce serait d’ailleurs complètement irréaliste. Elle ne dit pas non plus que nous procéderions à une indépendance unilatérale avant d’avoir l’appui explicite de la population par le référendum.

Il ne s’agit pas davantage d’une posture provocatrice visant à déclencher une crise constitutionnelle. Notre engagement à convoquer une assemblée constituante et à tenir un référendum sur l’avenir politique du Québec indique clairement que nous n’avons pas besoin d’une telle crise préfabriquée. Notre victoire électorale devrait être considérée, en elle-même, comme une remise en cause de l’ordre constitutionnel canadien. La résolution de cette crise sera entre les mains de la population indirectement dans les débats animés par l’assemblée constituante, et directement lors du référendum.

Enfin, cet énoncé d’intention nous donne le mandat de préparer adéquatement une éventuelle victoire référendaire. En effet, étant donné l’inflexibilité du régime fédéral et les multiples moyens légaux ou non que l’État canadien déploiera pour bloquer notre projet, il faudra se préparer concrètement à opérer une transition rapide et à poser une série de geste unilatéraux après le référendum. Ce travail de préparation pourrait lui-même inclure des mesures qui dépassent le cadre constitutionnel. L’assemblée constituante elle-même, en affirmant le principe de la souveraineté du peuple, constitue une rupture avec cette légalité néocoloniale. L’ajout de cette phrase dans l’entente de fusion peut donner l’impression qu’il s’agit d’une idée toute nouvelle. Mais elle constitue en fait l’affirmation explicite d’idées déjà contenues dans notre programme. Québec solidaire propose de mettre en œuvre une révolution démocratique fondée sur le principe de la souveraineté du peuple. Rien de moins.

Un nationalisme civique radical contre le repli identitaire

Le fait que cette constitution a été imposée de l’extérieur constitue en fait le terreau sur lequel s’est construit le nouveau nationalisme ethnique conservateur. Leur idée (leur seule idée ?) est que la Charte canadienne des droits et la constitution de 1982 sont des instruments visant à imposer au Québec le multiculturalisme canadien en vue de dissoudre notre identité collective dans le grand projet de construction nationale d’un autre pays. Que le Québec dispose de sa propre charte des droits, dont le contenu est largement équivalent, ou que l’interculturalisme développé au Québec diffère peu en pratique du multiculturalisme canadien, ne semblent pas être des faits troublants pour les partisans de cette rhétorique victimaire et profondément pessimiste.


Mais on ne peut pas répondre adéquatement à cette rhétorique en se ralliant simplement à la légalité canadienne. Il faut rejeter cette constitution pour les bonnes raisons (l’absence de démocratie populaire, le rejet du Québec, le manque de reconnaissance des peuples autochtones) et proposer un projet rassembleur, à la fois indépendantiste et respectueux des droits de toutes les personnes, à la fois mobilisant pour la collectivité et ancré dans une vision pluraliste et civique de la nation. 

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