Depuis le 1er
octobre 2018, Québec solidaire n’est plus en mode de lutte pour sortir de la
marge ou éviter d’y retourner. Avec 16% des votes, 10 députés et la
reconnaissance officielle à l’Assemblée nationale, nous sommes un acteur
politique incontournable et bien installé.
Notre
prochain objectif sera de remporter les élections de 2022, ce qui va demander
de doubler nos appuis. Nous avons obtenu environ 650 000 votes le 1er
octobre dernier. La CAQ a remporté un gouvernement majoritaire avec 1,5 million
de suffrages. Mais pour nous, ce n’est qu’un début. Pour réaliser notre projet
politique, il faudra aussi remporter le référendum sur l’indépendance environ
trois ans plus tard, ce qui implique de les doubler à nouveau.
En effet, on
peut présumer que le taux de participation lors d’un tel référendum sera
équivalent à celui de 1995 (93,25%), par opposition aux 66% de la dernière
élection. La population ayant augmenté significativement entre 1995 et 2025, le
nombre total de personnes inscrites sur la liste électorale devrait alors être
supérieure à 6,2 millions. Remporter le référendum nous impose donc d’obtenir
au moins 3 millions de voix.
Pour y
arriver, il va falloir rallier largement la population autour de notre projet
dans toutes ses dimensions essentielles. Il faut donc cesser de penser et
termes défensifs ou viser à se tailler une niche politique avec nos sujets de
prédilection, notre base naturelle, etc. Il n’y a plus de petits sujets, plus
de débats à éviter, plus de clientèle cible ou au contraire négligeable. Ce qui
ne signifie pas qu’on n’ait pas de priorités ou de stratégie de communication
ou de campagne. Seulement, il faut désormais être capables de parler de tout,
avec tout le monde.
Nous ne
devons pas seulement attaquer nos adversaires sur leurs points faibles
(l’environnement pour la CAQ, par exemple), mais aussi chercher à l’emporter là
où ils se croient forts. Nous devons être perçus de plus en plus comme de
meilleurs vecteurs de changement et de renouvellement de la vie politique que
la CAQ, comme de meilleurs promoteurs du projet indépendantiste que le PQ et
comme de meilleurs défenseurs des droits des personnes et des minorités que le
PLQ.
Ce dernier
point est essentiel. Pour arriver à 3 millions de votes, il va falloir
convaincre une bonne partie de l’électorat fédéraliste et de la clientèle
traditionnelle du PLQ. Nous n’y arriverons pas en étant associés de près ou de
loin au nationalisme conservateur qui a contaminé la CAQ et le PQ et inspiré
tant la Charte des valeurs que l’éventuel Test des valeurs.
Sur
les signes religieux
Ceci nous
amène en toute logique à une prise de position favorable à l’option B dans le
débat sur les signes religieux au prochain conseil national. Rappelons que
l’option A reprend la notion du rapport Bouchard-Taylor de l’interdiction des
signes religieux pour les personnes en « autorité coercitive », c’est-à-dire
les fonctions de juge, procureure de la couronne, policières ou policier, ainsi
que gardien ou gardienne de prison. L’option B affirme qu’il ne devrait pas y
avoir de règle particulière concernant les signes religieux pour certaines
professions. Elle reprend les quatre critères énoncés au programme comme les
seuls possibles pour restreindre le port de ces signes.
L’option A
est une solution en quête d’un problème. Nulle part au Québec le fait qu’une
personne exerçant une de ces fonctions portait un signe religieux n’a été la
cause d’un problème quelconque. Les personnes qui exercent ces professions sont
déjà sujettes à des codes de déontologie, des normes et des règles diverses ;
et les personnes qui s’estiment lésées par des actions ou des décisions
biaisées de leur part ont des recours légaux. Les partisans de cette option
inventent donc des situations conflictuelles imaginaires ou défendent des
théories.
Par contre, les
conséquences de l’application d’une telle mesure sont, quant à elles, bien
concrète et visent de vraies personnes. On parle, pour les personnes directement
affectées, de pertes d’emplois ou d’abandon de choix de carrière.
Indirectement, les personnes qui portent ces signes religieux dans d’autres
corps d’emploi, même dans le secteur privé, sont stigmatisées par les discours
politiques, ce qui encourage les pires racistes à passer à l’acte en espérant bénéficier
de l’impunité.
C’est aussi
la garantie de problèmes à venir. Une loi reprenant cette idée serait
certainement contestée, et avec succès, dans nos tribunaux, sur la base de la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ce n’est pas pour rien
que le gouvernement de la CAQ évoquait déjà avant son élection la nécessité de
recourir à la clause dérogatoire. Celle-ci doit être renouvelée tous les cinq
ans. L’option A est donc la garantie d’une crise politique sur la question des signes
religieux au minimum à tous les cinq ans. Aucun gouvernement futur ne pourra y
échapper tant que nous n’aurons pas opté pour le respect des droits de toutes
et tous.
Seule
l’option B permet de régler la question une fois pour toutes, avec clarté et fermeté.
Nous n’allons pas légaliser certaines formes de discrimination. Nous rejetons
l’idée que les personnes doivent cacher leur appartenance religieuse pour
exercer certaines professions. Nous dénonçons comme un préjugé sans fondement
l’idée que ces personnes seraient moins professionnelles ou incapables
d’impartialité. Nous refusons de reconnaître un « droit de ne pas
savoir » à quelle confession religieuse appartiennent les personnes que
nous côtoyons, peu importe dans quel contexte.
Je suis
profondément convaincu que nous pouvons gagner ce débat dans la population.
Nous pouvons le faire bien mieux que les Libéraux précisément par ce qu’il est
lié, pour nous, à un projet collectif ambitieux, celui de la réalisation de
l’indépendance à travers une démarche collective ouverte à la toute la
population, dans sa plus grande diversité. Nous n’opposons pas les droits
individuels et le projet collectif. C’est en respectant les droits de tous et
toutes et par une politique d’inclusion que nous pouvons rassembler toute la
population autour de la recherche du bien commun. C’est en proposant une
indépendance avec du contenu démocratique, social et écologique que nous
pourrons rallier plus de 3 millions de Québécoises et de Québécois de toutes
origines et de toutes les convictions spirituelles à notre projet. Se contenter
d’horizons plus étroits ne peut mener qu’à l’échec, la démobilisation et le
triomphe de la politique du ressentiment et de l’individualisme exacerbé.
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