La course à la présidence des États-Unis est un
marathon de levées de fonds, de rassemblements et de visites de toutes sortes,
à travers un vaste territoire. Les premiers sondages nationaux datent du début
de 2019. Plusieurs candidatures significatives ont abandonné la course avant
les premiers votes ou peu après les deux premiers États. Notons certaines
d’entre elles :
·
Kamala
Harris, sénatrice et ancienne procureure générale de la Californie ;
·
Beto
O’Rourke, membre de la chambre des représentant du Texas ;
·
Julian
Castro, ancient ministre du gouvernement Obama et ancien maire de San Antonio,
au Texas ;
·
Andrew
Yang, homme d’affaire qui a fait campagne principalement pour le revenu de
citoyenneté ;
·
Corey
Booker, Sénateur du New Jesey et ancien maire de Newark.
De ces candidatures qui ont pris une certaine
place, seul O’Rourke est un homme blanc. Avec le départ de Yang après le New
Hampshire, il ne restait plus une seule candidature de couleur significative.
L’exception étant Tulsi Gabard, représentante de Hawai et vétéran de la guerre
en Irak. Mais sa candidature est demeurée marginale. À cet égard, plusieurs
observateurs ont questionné l’importance accordée aux scrutins de l’Iowa et du
New Hampshire, les deux premiers du calendrier, dans des États massivement
blancs. Plusieurs autres candidatures (des gouverneurs et ex-gouverneurs
d’États, par exemple) n’ont pas vraiment décollé ou sont restées marginales.
Un phénomène remarquable dans cette course est
celui des candidatures autofinancées par des hommes très riches. En plus de
Andrew Yang, le cas de Tom Steyer semble indiquer les limites de ce type de
campagne. Il avait dépensé beaucoup plus que ses adversaires au Nevada et en
Caroline du Sud, mais est quand même arrivé troisième dans les deux cas. Ce qui
a précipité son abandon de la course. Il semble que l’argent, tout en étant un
facteur important, ne suffit pas pour remporter les primaires démocrates.
Mais le cas le plus spectaculaire pour ce type
de candidature est celle de Mike Bloomberg, le milliardaire magnat des médias
et ancien maire de New York. Son nom n’était pas inscrit pour les quatre
premiers États. Il a tout misé sur son avantage financier lui permettant
d’acheter énormément de publicité dans tous les 14 États du Super Tuesday. Les
résultats du 3 mars vont démontrer si sa stratégie inusitée a réussi.
Si on observe l’évolution des sondages nationaux
depuis le début de la course, on constate que Joe Biden a trôné au sommet
jusqu’à la fin janvier, lorsque Bernie Sanders l’a finalement dépassé. Mais la
première personne à menacer sérieusement l’avance de l’ancien vice-président
d’Obama et vétéran de Washington était Élizabeth Warren, en octobre et novembre
2019. Il semble que la montée constante de la campagne Sanders à partir de
novembre a eu raison de cette période d’engouement pour la sénatrice du
Massachussetts. Ce qui peut s’expliquer par le fait que tant Warren que Sanders
sont identifiés à l’aile gauche du parti.
Les quatre premiers scrutins
Les caucus de l’Iowa ont été marqués par un
fiasco de leur nouveau système informatique qui a retardé de plusieurs jours
l’annonce des résultats définitifs. Cet incident en a amené certains à remettre
en question de la formule des caucus, plus proches d’une série d’assemblées de
quartier que d’un vote traditionnel, comme pour les primaires proprement dites.
Le mois de février a été marqué par un duel entre
Bernie Sanders et Pete Buttigieg dans les deux premiers scrutins. Cette montée
des appuis pour le socialiste du Vermont et l’ancien maire de South Bend en
Indiana a constitué un échec pour Warren et pour Biden. Mais les excellents
résultats de Buttigieg en Iowa et au New Hampshire ne semblent pas s’être
traduits par une avancée significative dans les sondages nationaux pour le
politicien éloquent de 38 ans. À noter, il est le premier politicien
ouvertement LGBTQ a remporter un scrutin dans le cadre des primaires d’un des
deux grands partis. Sa quatrième place en Caroline du Sud, marquant son
incapacité à percer dans l’électorat afro-américain, l’a mené à quitter la
course le 1er mars.
Le New Hampshire a aussi donné un élan à la
candidature de Amy Klobouchar qui est arrivée troisième en raison en bonne
partie d’une performance remarquée dans les débats. Mais, comme pour Buttigieg,
sa campagne a eu du mal à prendre une envergure nationale, en partie par manque
de ressources financières.
Le Nevada a accordé, le 22 février, une la
victoire écrasante à Bernie Sanders reposant en bonne partie sur l’électorat latino
et la jeunesse. Cette phase de la campagne a aussi été marquée par une première
participation désastreuse à un débat pour Bloomberg. Le parti démocrate avait
modifié les règles pour l’inclusion dans les débats en retirant la condition
d’avoir reçu des dons d’un certain nombre d’électrices et d’électeur. La
campagne autofinancée de Bloomberg avait été exclue jusqu’alors.
À la veille du scrutin de la Caroline du Sud
(29 février), beaucoup se demandaient si la candidature de Joe Biden, longtemps
le favori, pouvait survivre à autant de défaites. Son meilleur résultat ayant
été une lointaine deuxième place au Nevada.
Mais Biden s’est donné une nouvelle légitimité
comme porte-étendard de l’aile modérée du parti en remportant haut la main cet
État du vieux Sud, notamment grâce à l’appui de la communauté afro-américaine,
qui le connaît bien et apprécie son rôle comme VP d’Obama pendant huit ans.
En tenant compte du retrait de Buttigieg et de
Steyer, la distribution des délégations
par les quatre premiers scrutins place Sanders en première place avec 56 (dont
24 du Nevada), Biden le suit de près avec 48 (surtout de la Caroline du Sud),
Warren est troisième avec 8 (en Iowa) et Klobouchar en dernier avec 7 (dont 6
du New Hampshire).
À surveiller au Super Tuesday
Le tiers des délégué.e.s (1357) à la convention démocrate seront
déterminés par les scrutins du 3 mars, près de dix fois plus que pour les
quatre premiers États. Rappelons qu’il faudra obtenir une majorité de 1991 pour
une victoire au premier tour. Les
nouvelles règles déterminées suite à l’élection de 2016 font que les fameux
super-délégué.e.s (plus de 700) ne pourront voter qu’à partir du second tour. Ce
contingent ayant un droit de vote d’office est composé principalement de
personnes élues à divers niveaux, soit au Congrès, soit dans les États, soit
dans la structure du parti. Cette réalité est cruciale pour Sanders, un
indépendant dont les appuis parmi les responsables démocrates sont plutôt
minces. Une décision prise sur le plancher de la convention, avec des tractations
de coulisse et des ralliements de dernière minute, ne lui serait pas favorable.
Dans la plupart des États, les délégations sont
accordées en proportion des votes, mais avec un seuil de 15% pour faire partie
du calcul. Sanders peut donc accumuler les délégations même dans les États où
il arrivera bon deuxième.
La Californie
(415 délégué.e.s) et le Texas (228), fournissent les deux plus grandes
délégations de la journée du 3 mars. Il semble que ceux-ci pourraient suivre le
modèle du Nevada, avec une population latino importante et une mobilisation
populaire massive derrière la candidature de Bernie Sanders. Si les autres candidatures
se disputent le champ droit au point de tomber sous la barre des 15%, le
triomphe de Sanders pourrait être spectaculaire. Mais le retrait de Buttigieg pourrrait
être l’occasion d’un ralliement autour de la candidature de l’ancien vice-président.
La Caroline
du Nord (110) et la Virginie (99, tout comme le Tennessee (64), l’Alabama (52)
et l’Arkansas (31), des États du Sud, pourraient être des occasions de victoire
pour Biden. Mais la communauté afro-américaine n’y est pas aussi massive qu’en
Caroline du Sud et ses votes pourraient être davantage dispersés.
Le Massachussetts
(91) doit absolument être remporté par Warren, sénatrice de cet État. Si
Sanders devait l’emporter, la candidature de Warren pourrait difficilement être
maintenue. Il en est de même avec le Minnesota (75) pour sa sénatrice Amy Klobouchar.
Mais même si elles remportent leur propre État, les deux femmes pourraient
décider de se retirer si elles ne remportent pas suffisamment de délégué.e.s
ailleurs.
L’Oklahoma (37),
et l’Utah (29) sont rois États plutôt conservateurs qui pourraient avantager
Biden ou Bloomberg. Il s’agit d’options intéressantes pour Buttigieg, dont la
candidature pourrait aussi sombrer s’il ne remporte aucun État lors de cette
journée cruciale. Le Maine (24) devrait être une Bataille entre Sanders et
Warren, deux sénateurs d’États voisins. Le Vermont 16 est acquis à Sanders sans
problème. Les autres votes seront ceux des Democrates à l’étranger (13), qui
avaient appuyé Sanders en 2016, et le Territoire de Samoa (6) d’où Tulsi
Gabbard est originaire.
En résumé,
les résultats des scrutins du 3 mars pourraient soit propulser Bernie Sanders
vers une victoire au premier tour en juin, soit signaler une polarisation entre
sa campagne et celle de Joe Biden. Un succès pour Mike Bloomberg retarderait le
ralliement de l’aile modérée du parti autour d’une candidature unique, tout
comme un bon résultat pour Elizabeth Warren pourrait prolonger la division de
l’aile dite progressiste.
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