Pour éclairer une
analyse du phénomène Trump, il serait utile de comparer l’élection d’hier avec
celle de Al Gore contre GW Bush, la dernière fois qu’un républicain apparemment
sans beaucoup d’aptitudes sur les questions de fond a remporté la
présidentielle grâce au collège électoral alors que son adversaire démocrate manifestement
compétent était identifié à une administration de son parti installée depuis
huit ans.
Les données qui
suivent sont issues du site du New York Times, à la rubrique des sondages de
sortie des urnes (exit polls).
Est-ce qu’on assiste à
une profonde division selon les sexes ? Les accusation d’agression
sexuelle et les propos sexistes du milliardaire, de même que la candidature
sans précédent de HR Clinton pourraient le laisser croire. En fait, Trump a obtenu
53% du suffrage masculin et Bush avait obtenu précisément 53% de ce bloc de
votes en 2000. S’il y a une division politique selon le sexe aux États-Unis, ça
ne date pas d’hier.
Une division des
races? Trump a obtenu 58% du vote des Blancs. Bush en avait obtenu 54%. Significatif,
mais pas renversant comme différence. Chez les Latinos, Trump a obtenu 29%,
Bush avait eu 35%. Avantage Clinton. Mais pas par une marge si importante,
compte tenu des propos et des propositions de Trump sur l’immigration.
Pour l’âge, les moins
de 30 ans ont voté pour Trump à 37%, ils avaient voté pour Bush à 46%. Dans les
autres groupes d’âge, la différence est de quelques points seulement avec des
personnes de 45 ans et plus votant pour Trump davantage que pour Bush, mais pas
par une grande marge.
L’éducation alors ?
Les détenteurs d’un diplôme d’études secondaire (pas plus) ont voté pour Trump
à 49% et pour Bush à 51%. Pas une grande différence. Si on combine l’éducation
et la « race », on arrive à cette catégorie particulière, les Blancs
avec une éducation de niveau secondaire ou sans diplôme. Ces personnes ont voté
pour Trump à 67%. Impressionnant. Il s’agit d’un bloc comprenant 34% de la
population totale des États-Unis. Mais elles avaient quand même voté pour Bush
à 57%. Un changement significatif mais pas du tout au tout.
Les personnes qui
considéraient que la situation économique était mauvaise ont voté à 79% pour
Trump, mais avaient appuyé Bush à seulement 58% en 2000. Une différence de plus
de 20 points de pourcentage affectant 21% de la population. Se pourrait-il que
ce soient ces personnes, affectées par la précarité du travail et la stagnation
des salaires, ou les effets de la privatisation et des coupures de services dans
des États du Mid-West ou dans les vieux centres industriels de l’Ohio et de la
Pensylvanie, qui ont fait la différence ?
Mais il y a aussi deux
questions qui ont été posées cette année et qui ne figurait pas dans les « exit
polls » des élections précédentes et dont les résultats sont frappants.
25% des électeurs interrogés pensent que la plupart des immigrants illégaux
devraient être déportés. Ces personnes ont voté pour Trump à 84%. Aussi, 41%
des répondants se sont déclarés favorable à la construction d’une muraille de
long de la frontière avec le Mexique. Ces électeurs et électrices ont bien
entendu appuyé Trump à 86%, ce qui constitue une base électorale énorme.
Qu’est-ce qui ressort
donc de notre petite étude ? La base électorale de Trump n’est pas
sensiblement plus blanche, plus masculine ou plus religieuse que celle de Bush
en 2000 ou en 2004. Par contre, elle a une vision très négative de la situation
économique et est hostile à l’immigration. Trump a capitalisé sur ce sentiment
durant toute sa campagne, du début des primaires jusqu’à la veille du scrutin.
Son mouvement politique est donc fondé sur la recherche de boucs émissaires
issus de l’immigration dans un contexte de détresse économique, tout comme l’électorat
ayant appuyé le Brexit en Grande-Bretagne ou la base du Front national en France
ou d’autres partis de droite dure ailleurs en Europe. C’est le fond de l’affaire.
Pour combattre ce phénomène, il faut construire un mouvement social et
politique rassemblant toutes les personnes qui ont souffert des conséquences de
la mondialisation et de la désindustrialisation, de la précarité du travail et
de l’accroissement des inégalités, au-delà des divisions identitaires
entretenues pas les démagogues de droite comme Trump, Farage ou Le Pen.
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