Jean Dorion a un cheminement
unique qui donne une portée significative à sa critique forte du projet de
Charte du gouvernement Marois. Il a été attaché politique des Ministres de
l’Immigration Jacques Couture et Gérald Godin, ce qui l’a placé en première
ligne dans l’invention de l’approche interculturelle par des gouvernements
péquistes. Président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB)
pendant plusieurs années, il a joué un rôle clé dans les mobilisations en
défense de la loi 101. Il a aussi été délégué du Québec à Tokyo et député du
Bloc Québécois.
Il est un des auteurs de la Déclaration des indépendantistes pour une
laïcité inclusive qui a été signée notamment par Maria Mourani, Yves
Beauchemin et Jocelyn Desjardins (fondateur du NMQ).[ii]
Son livre intitulé Inclure : Quelle
laïcité pour le Québec, se situe dans le prolongement de plusieurs
interventions publiques de l’auteur dans ce débat, depuis la Commission
Bouchard-Taylor.
On pourrait résumer sa pensée par
l’idée que la prohibition des signes religieux, et l’islamophobie qui la
justifie souvent dans les débats, font énormément de tort au projet
indépendantiste. Le fait que le gouvernement du Québec s’attaque à des minorités,
dans le contexte nord-américain où ce type de restrictions est pratiquement
inimaginable, poussera ces dernières (et pas seulement les personnes qui
portent les signes en question) dans les bras des fédéralistes; le Canada étant
alors vu comme un garant de leur liberté de religion et d’expression.
Il raconte comment des Musulmans
souverainistes - et il en connaît plusieurs – ont cessé leur implication au
Parti québécois depuis l’arrivée de Mme Marois à la direction en 2007 et son
virage identitaire. Il fait remarquer que le PQ comptait quatre
candidatures musulmanes à l’élection de 2007, et aucune en 2012! Les
témoignages qu’il a recueillis tendent à démontrer que la grande majorité des Musulmanes
et Musulmans du Québec, qu’ils soient conservateurs ou progressistes, sécularisés
ou dévots, fédéralistes ou souverainistes, ne comprennent pas pourquoi on
interdirait à des femmes de porter le hijab si c’est ce que leur dicte leur
conscience. Seule une petite minorité qu’il qualifie d’intégristes de la
laïcité appuierait cet aspect du projet du PQ.
Il se trouve que la plupart des
Musulmanes et Musulmans du Québec sont d’immigration récente et ont été
sélectionnés pour leur niveau d’éducation et leur excellente connaissance du
français. Originaires pour la plupart d’anciennes colonies françaises qui ont
lutté farouchement pour leur indépendance, le mouvement souverainiste devrait
les considérer comme une population réceptive pour la cause. Mais la décision
stratégique de la direction du parti d’embarquer dans le bateau de la chasse
aux voiles est en train de miner ce qui devrait être un terrain fertile.
Il présente une véritable
anthologie d’arguments contre l’islamophobie, défaisant tous les amalgames
malhonnêtes et les raisonnements absurdes qui fourmillent dans le débat actuel.
Son réquisitoire contre le modèle français d’intégration et de laïcité est on
ne peut plus convaincant. Il démolit aussi la thèse douteuse sur l’inutilité de
l’immigration, Le remède imaginaire,
de Dubreil et Marois.[iii].
Bref, le Québec a besoin
d’immigrantes et d’immigrants, et pour que la majorité de ces personnes
arrivent ici avec une bonne connaissance du français, il faut aller les
chercher dans des pays où l’Islam est la religion majoritaire. Le mouvement
souverainiste a aussi besoin de renforts dans des groupes ethniques
minoritaires s’il veut gagner un jour, et la communauté magrébine est un des
groupes qui grandit le plus rapidement et qui est le plus susceptible de se
rallier au projet. L’islamophobie, et les projets politiques qui s’en
nourrissent et qui la renforcent à leur tour, doivent donc être combattus par
les indépendantistes. Au lieu d’ériger des barrières rhétoriques et
idéologiques fumeuses pour justifier la
marginalisation de ces populations, nous devrions construire des ponts avec ces
communautés et les mobiliser dans une lutte pour notre libération et la leur,
pour un Québec juste et démocratique qui protège tous les droits et toutes les
libertés.
J'ai d'abord visionne' un témoignage de monsieur Dorion sur l'Islam et l'Islamophobie avant de chercher a savoir un peu plus sur ce monsieur et croise' votre blog.
RépondreSupprimerUn grand merci pour cet article qui éclaire le positionnement de de ce monsieur.
Un grand merci a Monsieur Jean Dorion pour le développement de cette idee de la laïcité inclusive, et j’espère que des politiciens français auront son courage, sa clairvoyance et son humanisme.
Le projet contre les signes religieux en France n'a pas touché que ceux qui les portent mais a stigmatisé toute la population musulmane de quelque bord qu'elle soit. Elle a été perçue comme une arme d'exclusion par la grande majoritaire des musulmans de France. Elle a progressivement ouvert la porte a l'exclusion des musulmans sous prétexte de laïcité.