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Les travailleuses et travailleurs du secteur public veulent se battre et peuvent gagner

« Nous n’avons à craindre que la peur elle-même », F.D. Roosevelt

Plusieurs facteurs convergent présentement vers une confrontation majeure entre les 475 000 syndiqué-e-s du secteur public et le gouvernement Charest. L’issue d’une telle confrontation pourrait bien être une victoire (partielle et temporaire, comme toujours) pour les travailleuses et les travailleurs. Ce qu’on n’a pas vu au Québec, dans le monde syndical, depuis la fin des années 1970.

Les signes de l’affrontement sont de plus en plus clairs. Derrière la rhétorique diplomatique - venant tant du gouvernement que des porte-parole syndicaux - à l’effet qu’un règlement serait possible d’ici quelques jours, on peut voir les parties s’éloigner plutôt que se rapprocher. D’abord, la partie patronale a multiplié les demandes de toutes sortes aux tables sectorielles. Ensuite, le gouvernement n’a donné aucun signe de souplesse sur le plan financier. Au contraire, dans ses plus récentes interventions publiques, Charest lui-même annonce que le prochain budget de son gouvernement mettra l’accent sur les compressions de dépenses plus encore que sur les hausses de tarifs.

De l’autre côté de l’équation, la manifestation de 75 000 personnes à Montréal, à l’appel du Front commun, démontre hors de tout doute le potentiel de mobilisation énorme et la colère qui gronde parmi les travailleuses et travailleurs. Du côté de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui ne participe pas au Front commun et a rejeté l’idée d’un règlement avant le 1er avril, on a déjà pris une série de mandats pour une grève d’un jour, avec des votes autour de 90% et des taux de participation élevés.

La campagne unitaire et insistante venant du gouvernement et de la droite en faveur des hausses de tarifs et de taxes n’a pas généré les appuis espérés. Et les contre-campagnes se multiplient, ce qui démontre l’absence de toute espèce de consensus en faveur des solutions néolibérales. La Coalition contre la tarification et la privatisation des services publics, qui réunit une bonne partie des mouvements sociaux, manifestera à Montréal le 1er avril, immédiatement après le dépôt du budget et l’annonce de l’échec (probable) du marathon de négociations. Même les médecins spécialistes contribuent à l’émergence de cet autre pôle politique avec leur campagne « l’expertise a un prix » qui souligne la possibilité de financer leurs demandes et celles des autres professionnels de la santé, sans alourdir le fardeau fiscal des contribuables. En faisant flèche de tout bois, leur campagne fait la promotion de certaines idées progressistes, dont les redevances sur l’eau.

Québec solidaire, avec sa campagne couragepolitique.org, a mis sur la table des propositions fiscales permettant de générer 5 milliards $ en revenus supplémentaires pour l’État. Des commentateurs n’ayant pas l’habitude de se gêner pour attaquer QS ont souligné le caractère raisonnable de ces propositions. Le nouveau parti de gauche est aussi intervenu à plusieurs reprises, par la bouche de sa présidente et de son député, pour exprimer son appui aux demandes très modestes des syndicats.

L’émergence d’une alternative de gauche de plus en plus crédible, qui se positionne pour prendre la place de l’ADQ comme troisième force politique, compense pour l’approfondissement du cours néolibéral au Parti québécois, confirmé avec son colloque sur la « création de la richesse » et la dissolution du club des Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ-Libre).

Le principal obstacle sur le chemin d’une victoire sociale et syndicale est le pessimisme qui s’est installé dans la conscience des travailleuses et travailleurs à la suite de nombreuses défaites. Une nouvelle génération militante est en émergence qui pourrait renverser cette tendance et remettre l’optimisme et la combativité à l’ordre du jour. Cette génération a fait l’expérience de la mobilisation avec la Marche mondiale des femmes en 2000, le Sommet des Amériques en 2001, l’opposition à la guerre en 2003 et la grève étudiante sans précédent de 2005. On a eu un avant-goût de la traduction possible de cet esprit contestataire dans le mouvement syndical avec les grandes manifestations de la fin de 2003 et du 1er mai 2004 contre le même gouvernement. La ZLÉA est morte et l’OMC est à la dérive, le Canada n’est pas embarqué dans la guerre en Irak, les bourses d’étude sont encore au programme, et les principales victoires des dernières années (comme l’équité salariale, les congés parentaux, les CPE) ont été celles du mouvement des femmes.

En cette année de la 3e Marche mondiale des femmes, le gouvernement Charest et ses alliés veulent encore que les travailleurs et surtout les travailleuses (fortement majoritaires dans le secteur public) paient pour une crise dont elles et ils ne sont nullement responsables. En Grèce, par une série de grèves et de manifestations, s’exprime avec force le refus de payer pour leur crise. C’est ici et maintenant qu’il faut résister, pour préserver nos services publics et les valeurs de justice sociale et de solidarité. Si on cède au pessimisme et qu’on abandonne la partie, on s’assure d’une défaite. Si on choisit de lutter, la victoire est à tout le moins possible.

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