« Donald
Trump est président des États-Unis. » Cette phrase, vraie depuis le 20
janvier 2017, est encore difficile à entendre ou à prononcer. L’incrédulité et
le choc de la soirée électorale ont depuis cédé la place à l’horreur face à des
politiques cruelles, discriminatoires et ploutocratiques comme on n’en avait pas vues au moins depuis
Reagan. Sans oublier un renouvellement constant de l’incrédulité de départ face
à des déclarations (verbales ou tweettées) à l’emporte-pièce qui se suivent à
un rythme essoufflant.
Ma réaction
initiale, comme dans les phases du deuil, avait été celle du déni. Trump ne
pouvait pas vraiment gouverner comme il avait fait campagne : sur la base
d’un racisme et d’un sexisme flagrants, d’un étalage sans gêne d’ignorance et
d’incompétence, d’un manque total d’empathie, même feinte. Les institutions
stables et solides que sont le Parti républicain, le Congrès, le système
judiciaire et les bureaucraties des divers Départements allaient avoir raison
de cet énergumène et limiter les dégâts.
J’avais
publié – dès le lendemain de l’élection - un billet qui mettait l’accent sur
les éléments de continuité entre Trump et ses prédécesseurs. Ce ne serait pas
le premier président à faire peur pas sa rhétorique guerrière, à servir les
intérêts des plus riches ou à jouer avec les sentiments xénophobes d’une partie
de la population. J’étais manifestement dans l’erreur. Trump n’est pas un
président normal, même pour les États-Unis, même pour les Républicains.
Ce qui
ressortait de l’analyse des sondages de sortie des bureaux de votes (exit
polls) était l’importance des questions d’immigration. La base de Trump était
clairement identifiable aux segments de la population qui approuvaient des
restrictions face à l’immigration, incluant le fameux mur à la frontière avec
le Mexique. Les autres indicateurs étaient statistiquement à égalité ou presque
avec ceux de l’électorat de George W. Bush ou des Républicains battus pas
Obama.
Un
président raciste et misogyne
Nous savons
maintenant ce que ces données signifiaient. La présidence de Trump, au-delà des
recettes habituelles du Vieux Grand Parti (baisses d’impôt pour les riches,
militarisme, conservatisme « moral », etc.) se caractérise par son racisme
de plus en plus évident. Un de ses premiers décrets a consisté à interdire
l’entrée aux États-Unis aux ressortissants d’une poignée de pays musulmans au
nom de la lutte contre le terrorisme. Le fait qu’aucun attentat n’ait été
commis sur le territoire étasunien par des citoyens des pays en question ne
serait pas la première entorse au principe de la gouvernance basée sur des
preuves (evidence based decision making) de cette administration.
Les
déclarations du président suite aux violences de l’extrême-droite à
Charlottesville, N.C. à l’effet qu’il y avait « du bon monde » parmi
les manifestants suprémacistes blancs ou que les antifascistes avaient autant à
se reprocher que les fascistes, ont marqué l’imaginaire. Plus récemment, sa
caractérisation vulgaire de pays à majorité noire (« shithole
countries ») a ponctué un sabotage de toute entente bilatérale possible
sur la question de l’immigration. Cette nouvelle impasse législative explique
en grande partie l’incapacité du Congrès et de la Maison Blanche à s’entendre
sur un budget pour 2018.
La première
grande mobilisation contre son administration avait été une journée de marches
des femmes, coïncidant avec l’inauguration. Qu’un homme reconnu pour sa
misogynie et ayant été accusé par de nombreuses femmes de comportements
criminels divers soit élu face à la première femme ayant une sérieuse chance de
devenir présidente en avait choqué plusieurs. Qu’il soit en poste à l’époque du
mouvement #moiaussi malgré cette litanie d’accusations crée un contraste saisissant.
Le mépris
pour les droits des femmes véhiculé dans les rangs républicains par la droite
chrétienne s’est maintenant sécularisé pour ne devenir qu’un mépris sexiste
sans justifications idéologiques, une arrogance mâle bête et sans scrupules.
Espoir,
humour et résistance
De cette
marche des femmes aux mobilisations pour les droits des personnes migrantes en
passant par les jugements de cour bloquant certaines initiatives, les moyens de
contestation de ce gouvernement profondément réactionnaire ne manquent pas. La
société étasunienne, dont la grande majorité n’a pas voté pour ça, n’a pas dit
son dernier mot. Sur le plan électoral, les Démocrates ont déjà profité du
ressac anti-Trump pour remporter plusieurs victoires, malgré leur propension à
négocier toutes sortes de compromis sans principes avec les Républicains et
même avec la Maison Blanche, au nom de l’intérêt supérieur de la « nation »
(lire la classe dirigeante…).
Des signes
d’une mobilisation campée à gauche, en continuité avec la campagne Sanders et
les mouvements de masse des dernières années, sont bien visibles. La lutte
contre l’abrogation de la loi Obama sur la santé en a été un bon exemple. Les
efforts pour préserver la réforme face aux assauts de Trump et des Républicains
se prolongent maintenant dans une campagne pour un véritable système public
(Health Care for All).
Mais pour
survivre aux attaques quotidiennes venant de l’intimidateur en chef, qu’elles
soeint législatives, administratives ou simplement discursives, il faut plus
que de l’organisation et de la mobilisation. Il est essentiel de préserver
notre capacité à nous moquer de son arrogance sans fond et à ne pas se laisser déstabiliser.
C’est pourquoi je consomme, comme des millions de nos voisins, une dose presque
quotidienne de satire. C’est en compagnie des spécialistes de la contre-attaque
humoristique (Colbert, Noah, Bee, McKinnon, Oliver…) que nous allons pouvoir
survivre aux trois autres années de ce régime atroce sans y perdre notre santé
mentale. Quand la réalité dépasse la fiction, la satire est essentielle à la
réflexion!
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