Accéder au contenu principal

Tout le monde doit lire ce livre!

Notes de lecture de Pour une écologie du 99%, 20 mythes à déboulonner sur le capitalisme, par Frédéric Legault, Arnaud Theurillat-Cloutier, Alain Savard, Écosociété, 2021. 


À la veille de la 26e conférence annuelle mondiale sur le Climat (COP26), la principale menace qui pèse sur l’évolution du climat, la biodiversité et les conditions de vie de l’humanité n’est pas le climato-scepticisme, de plus en plus rare, mais le climato-optimisme des partisans d’une transition en douceur vers un mythique capitalisme vert. L’ouvrage de Legault, Theurillat-Cloutier et Savard présente une argumentation solide contre les mythes qui nous empêchent de voir plus loin que les beaux discours des Trudeau, Biden, Macron et compagnie. 


Ces mythes nourrissent la stratégie des secteurs les plus accommodants du mouvement écologiste, axée sur un dialogue stérile avec les grandes entreprises et les gouvernants plutôt que sur l’identification lucide des blocages institutionnels. Cette pensée magique verte contamine aussi les discours et les débats des partis de gauche et des partis verts. On le retrouvait notamment dans le Plan de transition produit par Québec solidaire pour les élections de 2018 et dans le projet de plateforme présenté en septembre en vue des élections de 2022. 


Dans la première partie de leur ouvrage, les trois auteurs démontrent en dix courts chapitres que le capitalisme n’est pas une question d’attitude ou de culture mais un système; et que ce système est profondément incapable de respecter les limites de la biosphère. La compétition globale pour l’accumulation et le profit - et par conséquent la croissance à tout prix comme l’exploitation des personnes et de la nature - ne sont pas des accidents de parcours mais des aspects inévitables de notre système économique. Par conséquent, la lutte pour limiter l’ampleur de la crise climatique et assurer une transition juste et démocratique doit forcément être anti-capitaliste. 


La deuxième partie de l’ouvrage présente une défense de la perspective écosocialiste, fondée sur la propriété collective des principaux moyens de production et la planification démocratique. En bref, ils offrent des pistes de réponse à la question de l’alternative à ce système écocidaire. 


Pour la troisième et dernière partie, ils développent une vision stratégique qui cherche à rassembler trois différents fronts de lutte: 1) le développement de communautés résilientes et de réseaux économiques alternatifs, 2) la résistance  des mouvements sociaux mobilisés face aux industries fossiles et à leurs projets, 3) l’action politique partisane et la lutte pour la conquête du pouvoir de l’État. Le point faible de l’ouvrage me semble être la question de l’articulation entre ces trois fronts de lutte et la nécessité d’organiser l’action des écosocialistes en vue de les faire converger, à l’échelle nationale et internationale. 


Cette partie de leur réflexion me rappelle une contribution que j’avais apportée au site Carnets rouges, justement co-animé par Alain Savard, un des auteurs du nouveau livre. http://carnetsrouges.net/reflexions-sur-la-transition/. Je terminerai donc en rappelant la conclusion de mon texte de 2017: “En raison du caractère forcément inégal et éclaté de ces multiples fronts de lutte, l’organisation des socialistes est une nécessité vitale. Ce sont les militantes et les militants qui voient dans chaque lutte sur chaque front une avancée possible vers le socialisme qui devront exprimer par leur travail politique l’unité de fait de ces différents aspects de la transition. Et cette unité est souhaitable dès maintenant. Le capitalisme ne va pas disparaître par lui-même ou par accident. Il faudra le pousser hors de la scène de l’histoire par un effort collectif, délibéré et déterminé.”



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le temps de se dépasser

La politique québécoise et canadienne est une île de normalité dans un monde en crise. On pourrait s’en réjouir; et il y a certainement une argumentation à développer en faveur de la normalité, de la stabilité et de la politique néolibérale ordinaire que nous servent Trudeau et Legault, chacun à sa manière. C’est mieux que la guerre en Ukraine, que la guerre civile au Soudan, que le psychodrame aux rebondissements choquants trop nombreux même pour un scénario hollywoodien, à quelques degrés de latitude au sud. Mais la réalité est que ce petit train tranquille est un désastre du Lac Mégantic au ralenti.  Le capitalisme fossile a ruiné une partie de notre été, avec le smog intense résultant de feux de forêt sans précédent. Les inondations de 2017 et 2019 étaient aussi des symptômes du dérèglement climatique. Et ce n’est que le début. On pourrait se dire qu’il est trop tard et qu’il ne reste qu’à profiter de la vie et du temps qui nous reste. Xavier Dolan n’est pas complètement irrationne

Solidaires contre la loi 21

Le 7 février, le ministre Jean-François Roberge a annoncé que son gouvernement va déposer un projet de loi en vue de prolonger d’une autre période de cinq ans la clause dérogatoire qui protège la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) des contestations judiciaires. Plus spécifiquement, il s’agit de la clause concernant la charte canadienne, celle qui vise la charte québécoise n’ayant pas besoin d’être renouvelée périodiquement.  En faisant cette annonce, le ministre affirme vouloir “préserver la paix sociale”. Autrement dit, il invite les personnes qui ont perdu des droits il y a bientôt cinq ans avec l’adoption de cette loi à accepter d’être des citoyennes et des citoyens de seconde zone pour faire plaisir aux gens qui veulent préserver leur droit à exercer une forme de discrimination contre les minorité religieuses visibles. Rappelons que la loi interdit aux personnes qui portent des signes d’appartenance religieuse de pratiquer un bon nombre de professions (enseignante, gardienne de

Les contradictions de Québec solidaire

Depuis le début, le projet politique de Québec solidaire repose délibérément sur certaines ambiguïtés afin de permettre un rassemblement large de la gauche, au-delà des différentes perspectives stratégiques qui la traversent. Nous avons décidé en 2006 de fonder un parti et de participer aux élections. Est-ce à dire que nous croyons qu’il suffit de gagner une élection générale ou deux pour réaliser notre programme? Certaines personnes le croient peut-être. D’autres sont convaincues que sans une mobilisation sociale sans précédent et un effort constant de vigilance à l’interne contre les tendances centralisatrices, Québec solidaire connaîtra le même sort que bien d’autres partis de gauche une fois au pouvoir et décevra amèrement la plupart de ses partisans. D’autres encore pensent qu’il est déjà trop tard et que QS est un parti social-démocrate comme les autres.  Depuis le début aussi, QS fait face à des pressions énormes de la part des institutions en place (parlement, média, système éc