Les centaines de personnes qui vont participer au congrès de Québec solidaire cette fin de semaine font face à un choix difficile. Les trois femmes remarquables qui font campagne pour obtenir le poste de co-porte-parole nationale sont compétentes, talentueuses et dévouées à la cause. On en vient à débattre de critères géographiques, sociologiques ou démographiques pour les distinguer. Mais chacun de ces critères vient avec des avantages comme des inconvénients. Voulons-nous une députée qui aura plus de visibilité à l’Assemblée nationale ou une personne qui n’y siège pas, ce qui lui donnera du temps pour faire autre chose mais un gros déficit médiatique? Est-ce que ce serait mieux d’avoir une personne qui n’est pas de Montréal et incarnerait la diversité des milieux de vie ou une personne issue de l’immigration qui représente une diversité tout aussi importante?
Tous ces arguments s’annulent les uns les autres, ce qui risque de nous ramener au concours de popularité dont personne ne veut ou à des choix basés sur la proximité personnelle avec une candidate ou une autre. Ce que je propose ici, c'est de partir de la conjoncture politique pour faire notre choix. Quelle est la personne qui incarne le mieux ce dont le parti a besoin à ce moment-ci?
D’abord, les questions nationales et identitaires seront inévitablement au cœur des débats politiques d’ici aux élections de 2026 et au-delà. Ruba a rapidement mit le doigt sur ce bobo en se positionnant, dès l’annonce de sa candidature, comme celle qui va mettre à l’avant-plan une vision inclusive de l’identité québécoise, avec l’indépendance comme perspective immédiate. Il s’agit d’une critique limpide de la stratégie mise en œuvre durant la campagne nationale de 2022 qui avait négligé cet axe central du programme. C’est la seule réponse logique face à la domination du nationalisme conservateur dont le PQ et la CAQ ne sont que la tendance souverainiste et la tendance fédéraliste. En tant qu’enfant de la Loi 101, Ruba incarne brillamment l’avenir du projet indépendantiste, qui passe par un élargissement en direction des personnes de tous les horizons en non par l’hostilité envers l’immigration et les minorités, un terrain que la CAQ et le PQ se disputent.
Ensuite, il y a la dynamique interne au parti qui profiterait de ce choix. Ruba, dans sa plateforme, a fait ressortir l’importance des campagnes politiques et propose de tenir un grand débat national sur la stratégie. En effet, l’autre bilan qu’on doit tirer de 2022 est que le prochain saut qualitatif pour Québec solidaire ne passe pas par une “meilleure campagne” avec de “meilleures communications”. Nous avons mené en 2022 une campagne de loin supérieure à toutes les précédentes sur le plan communicationnel et organisationnel. Même si on avait évité quelques erreurs de parcours, le résultat aurait été très semblable, et équivalent à celui de 2018.
Nous n’avons pas le choix d’aller à la rencontre de la population d’ici 2026 avec l’intention de rallier, de mobiliser et de convaincre. C’est dans la dynamique constructive entre le parti et les mouvements que nous pouvons espérer changer le paysage idéologique et rapprocher des centaines de milliers de personnes de nos positions. Ce sont de telles mobilisations qui ont rendu Québec solidaire possible, et sans elles, un gouvernement solidaire est impensable.
Pour ce qui est d’une grande rencontre nationale sur la stratégie, on pourrait qualifier la proposition de Ruba de visionnaire. Les gens qui se questionnaient sur notre positionnement par rapport aux institutions que sont l’Assemblée nationale et les médias étaient un peu isolés il y a quelques semaines à peine. La sortie de l’essai de Catherine Dorion - qu’on soit d’accord ou pas avec ses diagnostiques ou sa pratique politique - a eu le mérite de mettre au grand jour des enjeux généralement absents de nos discussions formelles. Est-ce que Québec solidaire a raison de se positionner comme une opposition constructive qui se démène pour faire passer des amendements aux projets de loi du gouvernement? Est-ce qu’on doit mettre de côté nos propositions les plus radicales pour rallier des segments plus hésitants de la population? Pour un parti qui veut fonder de nouvelles institutions beaucoup plus démocratiques - une des raisons les plus fortes de réaliser l’indépendance - est-ce qu’une posture plus contestataire ne serait pas à la fois plus efficace et plus honnête?
Pour moi, le choix de Ruba, c’est celui d’une personne qui se pose sérieusement toutes ces questions et qui nous invite à nous les poser collectivement. C’est seulement ensemble, en mettant cartes sur table, qu’on arrivera aux meilleures réponses possibles.
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