Cette élection est d’abord une défaite brutale pour le Parti
québécois. Avec son pourcentage le plus faible depuis 1970, 30 sièges, et la
défaite de Pauline Marois dans sa propre circonscription, on pouvait
difficilement imaginer pire. Le retour au pouvoir du PLQ après seulement 18
mois dans l’opposition - et en pleine Commission Charbonneau - témoigne d’une
descente aux enfers pour un parti qui se voyait dans l’alternance au
gouvernement provincial du Québec jusqu’à une souveraineté de plus en plus
hypothétique.
Le fond du problème est que le PQ n’a pas été capable de
développer une nouvelle stratégie pour la souveraineté après l’échec crève cœur
de 1995. Certains péquistes ont évité la question en parlant de « référendum
volé », et en proposant une simple partie revanche. C’est ce qui s’est
retrouvé, au fond, dans le programme adopté sous le leadership de Bernard
Landry en 2005. La troisième place derrière l’ADQ à l’élection suivante a sonné
le glas de cette vision aux lunettes roses qui refusait de tirer un véritable
bilan de la défaite.
Loin de renouveler la stratégie – définie comme une vision
de comment on peut gagner – Pauline Marois a développé une série de tactiques
pour éviter la question et arriver à reprendre le pouvoir sans y répondre. Il s’en
est suivi une série d’échecs, le PQ étant toujours sur la défensive face à des
Libéraux n’ayant qu’à tourner le fer dans la plaie à chaque occasion en
rappelant les échecs de 1980 et 1995 et en prêtant, mensongèrement, des
intentions référendaires au PQ.
Pendant ce temps, les fédéralistes n’ont pas eu à justifier
leur propre projet ou à faire le bilan de leurs propres échecs, ceux du rapatriement
de 1982 ou de Meech et Charlottetown. Le PLQ n’a qu’à promettre une gestion
tranquille du statu quo pour coaliser les 40% de la population les plus hostiles
au projet souverainiste pour une variété de raisons et rester au pouvoir. Il a
fallu une véritable crise sociale, avec la grève étudiante et le Printemps
érable, pour faire une jambette à ce géant et l’envoyer dans l’opposition pour
quelques mois.
Le PQ n’avait rien fait pour mériter sa courte victoire de
2012, mais il est entièrement responsable de sa défaite d’hier soir. C’est le
gouvernement Marois qui a joué à la politique de la division avec sa Charte des
valeurs, comme Charest avait tenté de le faire avec l’enjeu des frais de
scolarité. C’est ce gouvernement qui a tourné le dos au mouvement social avec
son austérité budgétaire et sa capitulation sans combat devant « l’angoisse
fiscale des riches ». C’est ce gouvernement qui s’est aliéné le mouvement
écologiste et toutes les personnes conscientes de l’ampleur de la crise
climatique en appuyant des projets de pipelines et en subventionnant grassement
l’exploration du potentiel pétrolier d’Anticosti. Et la direction du PQ a
couronné cette série de politiques en recrutant Péladeau, patron antisyndical
de choc, comme candidat vedette et même chef potentiel appréhendé.
Comment des individus et des groupes progressistes ont pu continuer
à hurler la rengaine usée à la corde du vote stratégique m’échappe totalement.
C’est de l’aveuglement volontaire, de l’inertie irréfléchie, une sorte d’atavisme
ultra-partisan sans substance. Il est resté au PQ, comme manière de se
distinguer, l’indigne démagogie xénophobe générée au tour de la Charte des
valeurs et dont Bernard Drainville s’est fait une spécialité.
Qu’adviendra-t-il de ce parti dans la prochaine période?
Est-il trop tard pour qu’il se ressaisisse et tourne le dos au nationalisme
conservateur pour revenir à une vision interculturelle et rassembleuse du
peuple Québécois? En tout cas, ce n’est pas la gauche péquiste autoproclamée
autour de l’Aut’journal et du SPQL qui va y contribuer! Dubuc, Laviolette et
leur réseau ont tout fait pour pousser le gouvernement à se radicaliser dans l’islamophobie
caricaturale, Benhabib et Mailloux en tête. Peut-on concevoir un « recentrage »
vers une position social-libérale encouragée par un Jean-François Lisée, par
exemple? Peut-être, mais tant que PKP garde son statut de vedette péquiste, une
telle opération resterait bêtement cosmétique. Même les plus modérés des syndicalistes
et des gens du milieu communautaire ne pourront pas avaler une telle couleuvre,
à mois que la souveraineté soit promise comme récompense dans un proche avenir.
Ce qui nous ramène à notre problème initial. Le PQ n’a pas
de stratégie souverainiste. Marois l’a démontré ad nauseam durant la campagne. « Il
n’y aura pas de référendum… tant que la population de sera par prête. »
OK. Mais comment on travaille à la préparer? Qu’est-ce qu’on fait maintenant?
Où sont les nouveaux arguments pour rallier plus de gens au projet du pays?
Quelle solution proposer face aux difficultés tactiques de la formule
référendaire, avec le fédéral et le patronat qui trichent, mentent et menacent?
Pas un mot. On fera un livre blanc, blanc comme une page blanche, comme le vide
de leur propre réflexion.
Devant une défaite, on parle souvent de sauver les meubles.
Mais quand on examine le PQ d’aujourd’hui, tel qu’il est vraiment, on ne peut
que constater qu’il n’y a plus de meubles à sauver. Ce n’est plus qu’une
coquille vide en ruine. L’écho déformé d’une pertinence perdue. Le plus vite ce
que le Québec compte d’indépendantistes progressistes décideront de quitter
cette maison en ruines, le plus vite nous pourrons en construire une nouvelle,
avec Québec solidaire.
8 avril 2014
Rien à redire, tout juste. Un mot cependant, QS doit prendre la balle au bond, smasche nous n'avons pas la force du nombre, mais intervenir sur le plan des idées, notamment sur la question du mode de scrutin dt de la carte électorale. Nos élues devront revenir sans cesse sur cette question, les acharnées, avant qu'ils nous achalent... La rue, on s'en occupe..
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