La première mouture de la plateforme électorale de Québec
solidaire avait été adoptée dans les premiers mois d’existence du parti, en vue
de l’élection générale de 2007. L’approche proposée avait alors été de
rassembler 25 engagements pour les premiers 1000 jours d’un gouvernement
solidaire. L’avantage de la formule (avancée par le regretté François Cyr)
était de pousser des militantes et des militants ayant l’habitude de
revendiquer et de contester à faire des propositions et à se voir à la place du
gouvernement.
Cette formule avait cependant le défaut de marginaliser les
propositions qui n’étaient réalisables qu’advenant l’indépendance du Québec.
Aussi, elle était difficile à appliquer à l’époque où le parti n’avait pas de
programme. Tout le monde voulait discuter de tout, tout de suite.
En 2008, le congrès sur la seconde plateforme n’avait pas pu
traiter la majorité des sujets à son ordre du jour, tant l’appétit des membres
pour de nouveaux débats et leur capacité pour la formulation de propositions et
d’amendements étaient grands. Depuis lors, les plateformes ont été le résultat
de processus décisionnels complexes et leur rapport avec le programme en
construction a été pour le moins ambigu.
Les liens entre les plateformes adoptées et la conduite de
la campagne électorale ont aussi été pour le moins complexes et indirects. Le
matériel produit pour la campagne nationale mettait l’accent sur cinq ou six
éléments, souvent sans mentionner l’existence même de la plateforme. Chaque
campagne locale était également prise un peu de court en cherchant comment les
engagements nationaux pouvaient se transposer dans leur réalité spécifique.
D’ici les prochaines élections générales, prévues par la loi
pour octobre 2018, le parti aura l’occasion de terminer la première ronde des
discussions sur le programme. Il en ressortira une vision globale et à long
terme de ce que Québec solidaire cherche à accomplir. Sur cette base, nous
pouvons revoir la question de la plateforme d’engagements électoraux dans une
perspective stratégique. C’est une nouvelle vision de ce que pourrait être
cette plateforme que nous esquissons ici.
Quatre plateformes en
une
Québec solidaire fait face à plusieurs défis au cours de la
prochaine période s’il veut dépasser son statut actuel de quatrième parti
sympathique ou de conscience de gauche de l’Assemblée nationale. Un premier
défi est d’apparaître comme une alternative gouvernementale crédible. Un autre
est de rallier autour de nous le mouvement indépendantiste en action. Un
troisième est de faire élire des solidaires en dehors de Montréal. Un moyen
parmi d’autres d’avancer sur ces trois plans est de redéfinir ce qu’on entend
par une plate-forme électorale.
D’abord, pour arriver à rendre plausible l’élection d’un
gouvernement solidaire, la plateforme devrait contenir une série de mesures
réalisables dès les premières semaines suivant la prise du pouvoir, et ce à
partir de l’exécutif, sans passer par l’adoption de nouvelles lois. Ce premier
volet de la plateforme aurait aussi l’avantage d’être réalisable même advenant
l’élection d’un gouvernement solidaire minoritaire.
L’exercice de formulation de cet aspect de la plateforme aussi
comme effet indirect de préparer le parti à la prise du pouvoir d’une manière
concrète, en se demandant ce que la formation d’un gouvernement signifie en
termes de capacité d’action immédiate. Pour un gouvernement de gauche à
contre-courant du consensus économique dominant, cette première série de
mesures sera cruciale pour contrer les tentatives de sabotage des milieux
financiers et du grand capital. Elles permettront aussi de donner un signal à
la population que le nouveau gouvernement à l’intention de résister aux
pressions des milieux d’affaire et de se situer en symbiose avec les
mobilisations sociales et écologiques.
Le deuxième aspect de la plateforme devrait être en
continuité avec la démarche habituelle, soit une série de mesures structurantes
pouvant être appliquées durant un premier mandat de quatre ans. Ces mesures
demanderaient probablement des changements législatifs et seraient plus longues
à mettre en place. Mais elles resteraient limitées par le cadre provincial des
pouvoirs dont dispose déjà le Québec.
La troisième partie de la plateforme devrait rassembler une
série d’objectifs réalisables seulement par un Québec indépendant. Ces
propositions seraient au cœur de l’argumentaire indépendantiste du parti. C’est
notre pays de projets. La convocation de l’assemblée constituante et la
démarche pouvant mener à l’indépendance prend alors à la fois un sens
démocratique (l’auto-détermination elle-même) et un contenu social (les projets
rendus réalisables par l’indépendance).
Enfin, chaque région devrait disposer d’une plateforme
présentant des projets spécifiques fondés sur une analyse fine de leur réalité
économique et sociale. Ces plateformes régionales serviraient d’argumentaire
pour justifier l’élection de députés solidaires ayant comme rôle de rassembler
les intervenants régionaux en vue de réaliser ces projets. Certains éléments de
ces plateformes devraient être réalisables même advenant l’élection d’un
gouvernement qui ne soit pas de Québec solidaire.
Au bout de cette nouvelle démarche, on se retrouverait donc
avec une plateforme gouvernementale, une plateforme législative, une plateforme
indépendantiste et une série de plateformes régionales. Le matériel produit en
grande quantité, de même que les outils virtuels, devrait faire ressortir
certains éléments de chacune des quatre plateformes particulièrement pertinents
dans le contexte spécifique de 2018 tout en faisant référence à l’ensemble.
En somme, nous offririons à la population la possibilité
d’un gouvernement solidaire, d’une assemblée nationale solidaire, d’un pays
solidaire et de régions solidaires, en même temps et dans une harmonie rendue
possible par la vision se dégageant du programme.
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