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Une nouvelle option (et six autres !) sur le mandat de l’assemblée constituante

Le document préparatoire au congrès de mai présente trois options à propos du mandat de l’assemblée constituante (AC) en lien avec l’indépendance du Québec, ce qui sera probablement le débat le plus intense de la fin de semaine.

La première option, qui n’est pas numérotée, consiste à conserver la formulation actuelle du programme, soit de confier à l’assemblée constituante elle-même le soin de déterminer le contenu de sa ou ses propositions en lien avec le statut politique du Québec. Elle peut soumettre à la population plus d’un projet de constitution, ceux-ci peuvent tous être basés sur un Québec indépendant ou être tous fédéralistes ou une combinaison des deux. Ce principe de la souveraineté de l’assemblée constituante est important étant donné le caractère fondateur et radicalement démocratique de l’AC.[i]
Par contre, ce flou quant au mandat de l’AC est embêtant du point de vue de la communication politique, surtout en période électorale et en direction des indépendantistes. En effet, la formulation actuelle ne permet pas de promettre fermement (sur la base du seul programme) qu’à la suite du processus de l’AC, un référendum portera sur l’indépendance du Québec. Il pourrait porter sur autre chose, si l’AC en décide ainsi.

C’est la raison derrière la 2e option (appelée A dans le cahier du congrès), celle présentée par QS Hochelaga-Maisonneuve pour donner à l’AC le mandat de développer un seul projet de constitution en vue de la fondation d’un Québec indépendant. 

Mais cette position, si elle gagne en clarté sur la question nationale, abandonne en bonne partie le principe de l’autonomie de l’AC et soumet sa démarche à la volonté indépendantiste exprimée par l’Assemblée nationale. Certains craignent que son potentiel rassembleur, au-delà des rangs des indépendantistes convaincus, soit émoussé considérablement par un mandat restrictif.[ii]

Une troisième option (B dans le cahier) propose de mandater l’AC pour qu’elle développe au moins deux projets de constitution dont un pour un Québec indépendant, et un autre pour un Québec qui resterait dans le Canada. Les avantages de cette formule sont que le Québec serait certain de sortir du processus avec une constitution, il n’y aurait pas de possibilité de maintien du statu quo; aussi, les fédéralistes n’auraient pas d’excuse pour ne pas participer au processus et attendre au référendum; la vertu pédagogique de la comparaison entre les deux projets pourrait aussi être à l’avantage des indépendantistes. Une variante de cette proposition (appelons la B- vu qu’elle est plus restrictive) limiterait le mandat à deux projets de constitution : une provinciale et une nationale.[iii]  

Le problème avec cette option est qu’elle accorde trop d’importance à la perspective fédéraliste (même fortement autonomiste) alors que le processus constituant, de par son caractère radicalement démocratique et fondateur, se combine difficilement avec un projet politique de réforme mineure et d’acceptation du cadre légal canadien. C’est élégant en théorie, mais dans la pratique, l’élection d’un gouvernement solidaire devrait aller de pair avec de fortes mobilisations sociales et une volonté collective claire d’indépendance.[iv]

Nouvelles options

Lors de l’assemblée générale du Réseau écosocialiste, Pierre Mouterde et Bernard Rioux ont proposé des amendements à l’option A en vue de clarifier la dynamique sociale et politique devant mener (selon le programme de QS) à une assemblée constituante clairement indépendantiste.[v] Nous appellerons cette option A+ vu qu’elle ajoute quelque chose à l’option A.

De plus, dans sa réplique à Roméo Bouchard, Jonathan Durant Folco énonce une autre option possible, soit celle d’un référendum portant sur un seul projet de constitution, mais avec deux questions (appelons-la A+2), une sur l’adoption du texte et une autre sur le statut politique du Québec.[vi] Folco insiste pour un texte constitutionnel unique afin d’assurer que l’AC constitue un seul grand forum de débat sur l’ensemble des sujets, et ne se divise pas en deux camps : un préparant un projet indépendantiste et un autre un projet fédéraliste. Le texte constitutionnel unique devrait indiquer quels articles ne s’appliqueraient pas advenant un Non à la seconde question.

Nous apportons ici une septième option qui nous semble concilier les trois grands objectifs énoncés dans ce débat, soit l’autonomie de l’AC, la clarté du positionnement de QS pour l’indépendance et l’inclusion des indécis, des autonomistes et des fédéralistes dans la démarche.

Cette option manquante (que nous appellerons 2009 + A) consiste à exiger de l’AC qu’au moins un des textes constitutionnels qu’elle mettra de l’avant soit conçu pour un Québec indépendant, tout en conservant son droit d’en proposer plus d’un. Alors, elle peut se limiter à cette seule proposition, elle peut en proposer deux (ou plusieurs) dont une autonomiste/fédéraliste (options B- et B), mais elle ne peut pas ne pas proposer de constitution pour Québec indépendant.

Sur cette base, dans ses communications, Québec solidaire pourra affirmer sans réserve qu’il s’engage à lancer une démarche menant à un référendum sur l’indépendance du Québec, et à faire élire une assemblée constituante. Mais il pourra aussi affirmer que l’assemblée constituante sera autonome par rapport à l’assemblée nationale et que tous les courants d’opinion sur la question nationale y seront les bienvenus.

Tableau des sept options (synthétisées)
Programme actuel (2009)
Option A
Option B
L’AC détermine elle-même combien de projets de constitution elle va développer et quelles options sur le statut politique du Québec seront incluse dans le ou les projets en question. Elle détermine la ou les questions du référendum.
L’AC développe un projet de constitution pour un Québec indépendant.
Le référendum consiste à dire Oui ou Non à ce projet avec tout ce qu’il implique.
L’AC doit proposer au moins deux projets de constitution :  un fédéraliste, un indépendantiste. Le référendum consiste à choisir parmi ces options.
2009 + A (nouvelle option)
Option A+
Option B-
L’AC est libre de déterminer combien de projets de constitution elle met de l’avant et avec quel profil sur le statut politique Québec. Mais elle doit proposer au moins un projet de constitution pour un pays indépendant.
En plus de l’option A, on en précise les raisons, soit la rupture radicale que représente une AC avec les institutions en place et la nécessité, pour y arriver, d’une mobilisation sociale forte et de l’élection d’un gouvernement solidaire.
L’AC ne développe que deux projets : un indépendantiste, un fédéraliste. La population choisit un ou l’autre lors du référendum.
Option A+2
Un seul projet de constitution est développé par l’AC. Il comprend tout le contenu nécessaire à un Québec indépendant. Les articles qui ne s’appliqueraient pas dans le contexte canadien sont identifiés.
Lors du référendum, on pose deux questions, une sur la constitution, l’autre sur le statut politique du Québec.




[i] Pour une élaboration de cette vision de l’AC, voir un texte récent de Roméo Bouchard https://www.facebook.com/notes/rom%C3%A9o-bouchard/constituante-citoyenne-libre-ou-constituante-politique-partisane/10155001870298849
[ii] Pour ce point de vue, voir un texte collectif publié par des membres de QS sur Presse-toi-à-gauche! http://www.pressegauche.org/spip.php?article25866
[iii] Cette perspective était avancée dans un de mes textes http://leblogueursolidaire.blogspot.ca/2014/06/pour-un-referendum-avec-deux-oui.html  et est reprise par Roméo Bouchard (op. cit).
[iv] Pour une critique de ces options, voir les deux textes récents de Jonathan Durant Folco sur son blogue http://ekopolitica.blogspot.ca/ C’est aussi le point de vue développé par Bernard Rioux sur PTAG! notamment ici : http://www.pressegauche.org/spip.php?article23931
[v] Voir le blogue du Réseau http://ecosocialisme.ca/blogue/
[vi] 1. « Voulez-vous que l’État du Québec adopte cette constitution ? » 2. « Voulez-vous que cet État soit indépendant ? » http://ekopolitica.blogspot.ca/2016/04/reponse-romeo-bouchard.html

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